Jasmine Duong

Je pense au mot étranger et cette idée instinctive de“l’autre” surgit, celui ou celle qui n’est pas français·e. En creusant un peu, je me dis que nous sommes sûrement tous·tes originaires de quelque part, qu’être cent pour cent français n’existe pas vraiment.
Mon histoire personnelle m’est revenue alors que je n’y songeais plus : mon arrière-grand-mère maternelle est arrivée en France depuis le nord de l’Italie pour trouver du travail. Aujourd’hui moi je suis là, je suis Français et j’offre sur mon exploitation agricole, du travail à des personnes étrangères : d’une certaine manière c’est l’histoire qui se répète dans l’autre sens. Je donne à mon tour ce que mon arrière-grand-mère a reçu. Nous travaillons avec des étranger·es depuis des années, nous avons employé des personnes espagnoles, roumaines, marocaines et aujourd’hui,
depuis bientôt un an, cambodgiennes. Ce serait mentir de dire que nous ne rencontrons pas de difficultés, il y a la barrière de la langue, des manières de travailler différentes ou encore des attentes spécifiques auxquelles on ne peut pas répondre : on trouve toujours des stratagèmes pour les surmonter et communiquer.
Parfois, il y a des personnes avec lesquelles on a plus d’affinités et leur culture nous fait voir les choses différemment. On a souvent besoin d’aide — pour les fruits particulièrement — et la communauté cambodgienne est drôlement appréciée ici pour l’habileté et la maîtrise dans la cueillette des cerises. Les personnes qui sont avec nous depuis avril partagent notre cuisine à la maison, et on a goûté tellement de produits qu’on ne connaissait pas et nous aussi, nous essayons de leur faire goûter des recettes de chez nous. Partager des dîners tout autant que le fait de fournir des emplois sont des façons d’être dans l’accueil et de participer à l’intégration des personnes qui veulent travailler en France. ÉRIC VEYRET AGRICULTEUR

Jasmine ne parle pas le français. Un de ses collègues a gentiment accepté de traduire autant que possible ses propos. Vous trouverez ci-dessous quelques bribes de son parcours, son sourire et la gentillesse dans son regard feront le reste.

“En Cambodgien, il y plusieurs mots pour dire “Étranger” : celui qui voyage, celui qui va chercher quelque chose ailleurs et le
réfugié politique.

Jasmine est arrivée en France, il y a 3 ans. Elle avait de la famille ici et elle est restée. Elle trouve que les gens sont très gentils en France, mais que c’est très dur de ne pas parler français.

Elle va prendre des cours : il faut parler français pour avoir la carte d’identité !
Ce qui l’a le plus étonnée ici, ce sont les routes, les appartements et tous ces magasins partout. Au Cambodge, il n’y a que des chemins de terre.

Au début en France, elle travaillait dans un restaurant. Mais elle préfère le domaine agricole. Elle y fait moins d’heures que dans la restauration et le travail lui plaît. Elle n’avait jamais travaillé dans l’agriculture avant. Au Cambodge elle vendait des livres sur le marché. Le travail agricole en France est moins pénible que dans son pays. Là-bas, on travaille dans les champs jusqu’à 12h par jour et on utilise beaucoup d’engrais chimiques pour faire grossir les légumes très vite. C’est un métier dangereux au Cambodge, elle a connu des gens qui sont tombés malades.”


Jasmine remercie chaleureusement la France pour son accueil.
JASMINE DUONG
42 ANS, PAYS D’ORIGINE : CAMBODGE
SALARIÉE AGRICOLE CHEZ ÉRIC VEYRET
ARRIVÉE EN FRANCE EN 2019