Aller à la rencontre de celles et ceux qu’on pense être “étrangers” nous rappelle que toute évidence est relative. Cette habitude que je prends pour un axiome, relève-t-elle aussi de l’évidence pour l’autre ? Nos certitudes ne sont pas un mètre-étalon. Nous devons, humblement, savoir les repenser. Tout point de repère peut être remis en question grâce à des liens renouvelés.
Contrairement à ce que beaucoup de discours contemporains laissent entendre, je crois qu’une vie commune est possible et même nécessaire.
Pour cela, nous devons être ouverts sur ce qui nous est “étranger”.
Face aux dérives de certains discours de l’époque, nous nous devons de proposer des réponses solides et constructives. Mon point de vue est celui d’un professionnel du monde du travail, convaincu que l’emploi est un puissant vecteur d’inclusion et celui d’un homme qui défend la dignité de toutes et tous.
Accueillir et respecter l’autre dans toute sa singularité, quelle que soit son histoire, voilà l’un des défis majeurs de notre siècle. ALEXANDRE VIROS PRÉSIDENT FRANCE DU GROUPE ADECCO
“Un étranger pour moi c’est une personne qui quitte son chez lui, son pays, pour aller résider dans un autre pays. Je connaissais personne quand je suis arrivé en France. La personne qui était avec moi m’a laissé à la gare du Nord.
Il m’a dit “ici à Paris, il ne t’arrivera rien” et il est parti. J’étais totalement abandonné avec ma fille.
On a passé la première nuit dans la gare. J’ai tenté de m’exprimer dans ma langue, mais personne ne comprenait le portugais. J’ai pas réussi à parler avec la police, car j’avais peur. Le deuxième jour, j’ai rencontré un pasteur et je suis resté confiné dans son église à Saint-Denis. Il y avait une soeur qui venait souvent là-bas, elle était angolaise. Quand elle m’a vu parler portugais avec ma fille, elle m’a dit “Les conditions sont pas bien pour ta fille. Tu veux pas qu’elle reste chez moi ?” Elle vit avec son mari et ses trois enfants à Montreuil.
Ma fille est restée chez elle. À l’époque elle avait 6 ans. J’étais heureux que cette femme prenne soin de ma fille. Elle m’a dit de faire ma demande d’asile et elle m’a aidé.
Au début, je croyais que je n’allais pas survivre. Je suis arrivé à surpasser ce que j’ai vécu grâce à ma fille. Quand je la regardais, je me disais “je peux pas abandonner, elle est avec moi !” Les personnes qui sont sur mon chemin, ce sont des personnes merveilleuses. Ma fille maintenant elle est à l’école.Elle parle le français mieux que moi. Elle dit “Moi je suis une française !”.
Elle me corrige souvent et j’apprends avec elle. Je lis chaque jour pour apprendre le français. Dans 5 ans ou dans 10 ans, je parlerai comme vous (rires).
Je suis né dans une famille de mécaniciens. En 2020, il y avait des milliers de demandes de mécaniciens poids lourds. Sans poids-lourds, la France ne pourrait pas fonctionner en totalité. Chez Humando, nous sommes tous étrangers, mais nous travaillons très dur. Il y a encore des gens qui croient que les étrangers sont là pour bénéficier de la bonté du gouvernement, pour saccager, pour voler les jobs, mais c’est pas du tout ça !
Ce qui m’a le plus étonné à mon arrivée en France ? J’ai été à Dubaï, en Chine, mais en France, quand j’ai vu des Arabes, des Chinois, des Africains, je me suis
dit “la France, c’est un centre qui rassemble tout le monde !”.
Trois mots pour définir le mot Étranger : culture, connaissance, intégration.”
MANUEL GARCIA
40 ANS, PAYS D’ORIGINE : ANGOLA
MÉCANICIEN EN ALTERNANCE AVEC HUMANDO / GROUPE ADECCO
ARRIVÉ EN 2020 (LE 4 MARS 2020, 2 SEMAINES AVANT LE CONFINEMENT)