Pamela Karam

Réfléchir à la problématique de l’intégration à l’échelle de l’entreprise permet d’ouvrir la voie vers une société plus inclusive, de répondre au défi de la crise migratoire comme on répond aujourd’hui à celui de la crise climatique.
Chez UTOPIES, nous essayons, à notre échelle, de participer au débat public, de faire progresser les consciences des dirigeants et de nos clients sur ce sujet, mais aussi d’être un laboratoire de solutions innovantes… L’objectif : contribuer à faire changer le regard sur les migrations et les migrants, en transformant le défi de l’accueil, et notamment de celui des réfugiés, en une opportunité pour les entreprises et l’économie.
En effet, intégrer des personnes migrantes ou réfugiées n’est pas seulement une main “tendue” - car leurs qualités et leurs compétences vont bien au-delà de leur statut transitoire d’exilé. C’est aussi un levier clé pour répondre aux défis de la transition : le métier d’UTOPIES est d’aider les entreprises à répondre aux enjeux de la société, et on ne peut (bien) le faire qu’avec une équipe qui reflète la société.
Ainsi la diversité de profils (femmes, collaborateurs issus des minorités, étrangers, seniors, jeunes, etc.) amène aussi la diversité des représentations, des questionnements… et des solutions. C’est un facteur reconnu de créativité et d’innovation : une étude a ainsi montré qu’une entreprise plus inclusive est en moyenne 1,7 fois plus innovante ! N’oublions pas que l’iPhone d’Apple, la Tesla électrique, la puce Intel, le Post-it de 3M, le yaourt grec Chobani, le vaccin Pfizer/BioNTech utilisant l’ARN messager contre la COVID-19 ou encore la désormais célèbre réunion Zoom sont autant d’exemples d’innovations qui ont changé nos vies. Mais ils ont un autre point commun : ils ont aussi changé la vie de leurs fondateurs, des personnes issues de l’immigration qui ont commencé par franchir les frontières de leur pays avant de repousser celles de leurs marchés.
Au-delà d’un accroissement mathématique des chances d’embaucher des talents pour une entreprise en diversifiant ses recrutements, l’immigration constitue donc un important véhicule d’innovation et de diversification économique : les migrants viennent aussi nourrir le niveau de connaissance collective (collective knowhow), et apportent de nouveaux savoir-faire complémentaires… Ce qui contribue à l ’efficacité économique : les études montrent que les équipes plus diverses prennent de meilleures décisions quasiment 9 fois sur 10, et qu’elles ont 70% de chances en plus de repérer de nouvelles opportunités ou de nouveaux marchés.
Ainsi, si vous ne le faites pas pour les valeurs, faites-le pour le business ! ELISABETH LAVILLE FONDATRICE ET DIRECTRICE D’UTOPIES

“L’étranger, c’est quelqu’un qui est différent. Ça peut être a threat (un danger).
Mais ça peut être aussi quelqu’un qui t’apporte quelque chose en plus, que toi tu n’as pas. Ma définition est particulièrement reliée à ma nationalité parce que
je ne suis pas seulement étrangère, je suis libanaise en France. À chaque fois que je rencontre quelqu’un, je suis automatiquement reliée aux évènements
qui se sont passés là-bas.

Être étranger, ça te crée une toute nouvelle identité : je n’appartiens plus uniquement au Liban, mais je n’appartiendrai peut-être jamais à la France.
Donc je suis perdue entre les deux et… jamais je n’aurais cru dire ça un jour…
mais une fois que tu quittes ton pays, tu ne le revois plus jamais de la même façon !
J’ai une fierté d’être libanaise qui est trop drôle (rires)… Je sors avec un français qui m’a fait remarquer que quand je parle du Liban, même si je parle de choses
qui sont difficiles et parfois atroces etc.… mes yeux brillent quand même, il y a une certaine passion.


Travailler ici, surtout chez UTOPIES, c’était redonner du sens à la direction artistique. Comment mêler ce qui est beau visuellement avec un message
important qui contribue à une évolution et à une vision de la vie 2.0 ? On dit toujours que pour comprendre un pays, il faut regarder les publicités et c’est
très vrai ! Quand tu viens ici, tu vois directement le clash (le choc) : on se permet de dire des trucs, montrer certains visuels qu’on ne montrerait jamais au Liban.
Chez nous, j’ai l’impression qu’on revient en arrière. À chaque fois que je reviens au Liban, je me dis “Oh mon dieu, qu’est-ce qui s’est passé ?” Et je réalise qu’en
fait tous les talents sont partis, tous mes amis qui travaillaient dans la pub…
il n’y a plus personne !

Ce qui m’a le plus étonnée à mon arrivée en France ? (rires) Il y a tellement de choses ! Déjà les moyens de transport parce que chez nous on n’a pas
les transports en commun. Et puis, le rapport des gens avec les espaces publics.
C’est une approche différente par rapport aux espaces et à la ville. Marcher dans la rue, sur des trottoirs, c’est un luxe ! Au Liban il n’y en a pas mais je suis
en confiance, c’est une jungle mais c’est MA jungle. C’est étrange ce sentiment d’appartenance que tu retrouves quand tu reviens chez toi.

Trois mots pour définir le mot Étranger : différent, cliché, “Le cul entre deux chaises”.”

PAMELA KARAM (GÉNÉROSITÉ EN ARABE)
31 ANS, PAYS D’ORIGINE : LIBAN
DIRECTRICE ARTISTIQUE, CHARGÉE DE CRÉATION CHEZ UTOPIES
ARRIVÉE EN FRANCE EN SEPTEMBRE 2020