Suzanne Beugré

Nous vivons tous sur la même planète : reconnaître la richesse de nos différences et apprendre à s’y adapter est vertueux.
Dans le cadre spécifique de notre EHPAD, nous avons souvent besoin de remplaçants et beaucoup de personnes qualifiées comme auxiliaire de vie ou agent de soins qui sont d’origine étrangère candidatent. À Orléans, une forte population originaire d’Afrique subsaharienne s’est installée dans la région. Nous ouvrons régulièrement des postes et il est donc naturel qu’un grand nombre de postulantes (car ce sont essentiellement des femmes) soient d’origine congolaise, camerounaise ou ivoirienne par exemple.
Pour cette raison, lors du processus de recrutement, la question d’être étrangère ou non n’est pas un critère de sélection.
La diversité culturelle au sein de nos équipes fait émerger une variété d’approches de ce qu’est le soin. Ainsi, dans les cultures de certaines de nos soignantes africaines, il est ancré dans les pratiques d’être tourné vers les anciens, il y a une éducation aux égards et à la prévenance envers les aînés vieillissants.
C’est une ressource dans un établissement dédié aux personnes âgées qui, au-delà d’enrichir, vient aussi compenser, quand c’est le cas, le manque de formation que ces personnes pourraient avoir.
Par la suite, pour celles qui n’auraient pas encore la qualification d’aide-soignante, elles auront l’opportunité de gravir les échelons par acquis d’expérience.
Chaque soignante apporte ses compétences, mais aussi sa culture.
Dans un domaine où le lien et le partage sont capitaux, cela peut être extrêmement bénéfique. Ces histoires et ces traditions, qui se mêlent au quotidien dans l’accompagnement de nos résidents, enseignent l’ouverture d’esprit.

THOMAS DE BOYSSON DIRECTEUR DE L’EHPAD RAYMOND POULIN

“Je suis ivoirienne et je réside en France depuis 7 ans, mais je n’ai pas la nationalité française donc pour moi l’étranger c’est celui qui n’a pas la nationalité du pays où il réside.
Avant de venir en France, je travaillais comme laborantine à l’Institut Pasteur. Et quand je suis arrivée ici, je suis rentrée dans le métier de l’aide à la personne, métier que je ne connaissais pas et qui convient à ma personnalité. Je me suis tout de suite trouvée à ma place et je me suis dit “il faut que j’ai les armes” et donc c’est comme ça que je me suis formée comme auxiliaire. Après, j’ai fait la formation d’aide-soignante à l’IFPM d’Orléans. Je suis diplômée aide-soignante depuis 1 ans. Ça me plaît d’être avec ces personnes.
Ce sont des personnes fragiles, je me sens bien avec elles.
Quand un aide-soignant, une aide-soignante, rentre chez elle à la fin de la journée et qu’elle entend un résident lui dire “j’espère que vous serez là demain”, je crois qu’il n’y a pas plus grande satisfaction que ça. Pour moi la satisfaction, elle est morale. Quand j’entends ça et que je vois un petit sourire sur un visage qui était complètement
triste le matin quand je suis arrivée… C’est à ça qu’on doit tous aspirer, à un peu plus d’humanisme dans le travail, on a tout à y gagner en tant que soignants, en tant que professionnels de santé.

Ce qui m’a le plus étonnée à mon arrivée en France ? Quand j’étais en formation d’auxiliaire de vie, on avait un professeur très gentil et j’étais choquée de voir que des jeunes étudiants lui parlaient librement. Ça me choquait car dans mon pays un enseignant c’est celui qui t’apporte le savoir, c’est un peu comme un parent… strict.
Ici, j’ai vu l’importance qu’on accorde à l’être humain, la liberté qu’on a dans ce pays développé. Ça m’a surprise ! Moi je viens d’un pays où il y a beaucoup… il faut marcher sur des oeufs, on ne peut pas s’exprimer aussi librement, on peut être réprimé… ça m’a ouvert l’esprit. Aujourd’hui je suis une autre femme, plus libre, plus
épanouie. Je suis en accord avec moi-même.
Je ne me suis pas trompée, je suis à ma place.

Trois mots pour définir le mot Étranger : ailleurs, prompte, s’intégrer.”


SUZANNE BEUGRE
51 ANS, PAYS D’ORIGINE : CÔTE D’IVOIRE
AIDE-SOIGNANTE À L’EHPAD RAYMOND POULIN
ARRIVÉE EN FRANCE EN 2015