Nesrine Boujelbene

“Étranger est un mot que j’associe personnellement à la richesse de l’autre, la découverte, le voyage. Il éveille en moi la curiosité de la différence et cette altérité qui nous relie. Je suis fondamentalement contre ce qui nous enferme sur nous-même. L’ouverture est mon état d’esprit et ma profession ne se dissocie pas de mon humanité.
Avicenne est un hôpital universitaire, nous sommes naturellement ouverts sur notre territoire et sur le monde en matière de coopérations scientifiques, d’enseignement et de recherche.
Nous participons à la formation de jeunes professionnel·le·s étranger·e·s en France et des enseignant·e·s chercheur.euse.s de notre hôpital partent à l’étranger. Ce partage de connaissances est d’une grande richesse.
Le recrutement de personnes étrangères est possible pour les résident·e·s européen·ne·s mais un·e étranger·e hors UE ne peut prétendre au statut de fonctionnaire. En revanche, rien ne nous interdit de travailler avec des étranger·es dans certaines
disciplines médicales, notamment pour des postes où nous sommes en difficulté pour trouver des personnes qualifiées sur notre propre territoire, tout en ayant la perspective de contribuer à des filières de formation. Ces deux dernières années, des médecins tunisien·ne·s ont rejoint l’équipe de réanimation et cette alliance de profils de bon niveau est génératrice de valeur.
Enfin il y a une dernière dimension, liée à l’histoire de notre groupe hospitalo-universitaire. Avicenne est le nom d’un grand savant, médecin, philosophe arabe et musulman, l’hôpital s’est appelé “franco-musulman” jusqu’en 1978, dans un département avec une population française issue de deuxième ou troisième génération d’immigration nord-africaine. Ce contexte est important, c’est probablement l’ancrage historique de notre ouverture et sa réalité sociale qui font d’Avicenne un cadre propice à la collaboration avec l’étranger.” PASCAL DE WILDE DIRECTEUR AP-HP.HÔPITAUX UNIVERSITAIRES PARIS SEINE-SAINT-DENIS

“Pour moi, il n’y a pas d’étranger. Être étranger, c’est juste sur les papiers, ça signifie que tu n’as pas la nationalité. Pour moi, il n’y a pas d’étranger, on est tous des êtres humains ! Je ne saurais pas vous donner la définition de ce mot, car pour moi personne n’est “étranger”.
Tous les médecins du monde on fait le serment d’Hippocrate :
on soigne toute personne qui en a besoin. C’est le serment qu’on a fait quand on a eu notre diplôme, venir en aide à toute personne en détresse et c’est bien écrit : peu importe sa religion, sa couleur, son ethnie, ses croyances…
J’adore mon métier, j’aime mes patients et je continue à prendre de leurs nouvelles après mes gardes parce que je m’attache à eux.
J’ai fait le douloureux choix de m’éloigner de mes enfants qui ont dû rester en Tunisie parce qu’il y a plus d’opportunités de travail en France. La Tunisie, certes, forme beaucoup de médecins par an.
Mais il n’y a pas autant de CHU et d’hôpitaux. Du coup, on est obligé de partir pour travailler, de quitter le pays. Travailler en France ça me permet d’avancer, ça me permet de faire des choses que je ne pourrais pas faire en Tunisie. J’adore la recherche, j’adore les travaux, j’adore la publication et la plupart des études multicentriques* se font entre les hôpitaux européens.
C’est ce que je suis en train de faire à Avicenne et mon métier me passionne.
Trois mots pour définir le mot Étranger : solitude, jugement, faire ses preuves.”

* Essai clinique réalisé dans des endroits différents, par plus d’un investigateur
et selon un protocole unique ainsi que des modalités identiques.

NESRINE BOUJELBENE
39 ANS, PAYS D’ORIGINE : TUNISIE
MÉDECIN RÉANIMATEUR HÔPITAUX UNIVERSITAIRES
AVICENNE ET JEAN-VERDIER - AP-HP
ARRIVÉE EN FRANCE EN 2016