Soukaina Chapi

La curiosité est une valeur qui nous mène vers ce que l’on ne connaît pas, mais aussi vers quelque chose de mystérieux, d’inhabituel ou de surprenant.
L’étranger est un mot qui est chargé de cette valeur, de cette ouverture qui met en lumière une différence. Cette différence nous enseigne beaucoup sur nous-mêmes. Lorsque je place ce terme dans le cadre de l’entreprise qu’est Meetic il recouvre encore d’autres dimensions. Meetic est une entreprise française, mais aussi européenne avec un rayonnement jusqu’en Afrique du Nord donc il va de soi que nos horizons sont élargis. C’est une réalité aussi en interne : je suis attaché à recruter des collaborateurs·rice·s de culture étrangère parce qu’il nous faut rendre compte de manière juste des spécificités sociétales des pays dans lesquels nous sommes implantés.
L’essentiel des équipes est basé à Paris avec 15 à 20 % de personnes qui ne sont pas de culture française. D’un point de vue strictement entrepreneurial, c’est aussi une question d’opportunités. Notre métier consiste à permettre aux gens à se rencontrer, pour cela, je place la notion de curiosité au centre de ma réflexion. Le concept d’étranger embrasse la question de l’effort d’aller vers l’autre, la curiosité pour l’autre : c’est l’essence même de la rencontre.
Pour ce qui est de la rencontre amoureuse, sa richesse réside dans les petites différences de chacun. Ce que nous enseigne notre métier c’est que ce n’est pas de l’évidence que naît l’alchimie. L’apport social des applications de rencontre depuis vingt ans permet d’aller au-delà de son milieu immédiat pour espérer que la rencontre soit plus riche et la leçon est que, le plus souvent, nos différences nous rassemblent.

MATTHIEU JACQUIER DIRECTEUR GÉNÉRAL DE MEETIC

“Être étranger en France, c’est être entre deux rives. Au coeur d’une dualité - de part et d’autre de la Méditerranée - dans une recherche permanente d’équilibre.
Ses racines qui sont du Sud et puis ce que l’on devient avec les ramifications qui s’épanouissent dans le Nord. Avec la nationalité française, j’avais envie d’officialiser ce lien qui s’est créé après tant d’années.

À tout juste 18 ans, le bac en poche, j’étais déjà en France ! Je tenais à y poursuivre mes études supérieures. Ma grande curiosité et ma quête de sens m’ont poussée à faire ce choix. Tout au long de ces années, les apprentissages ont été multiples. J’ai appris à construire et à apprendre. Veiller à avoir le parcours le plus polyvalent possible entre classes préparatoires et responsabilité sociale en passant par des Écoles d’ingénieurs et de commerce.

À la fin de mes études, j’ai réalisé à quel point il n’était pas aisé de trouver un emploi à la fois rapidement et correspondant à mon parcours. À cela s’ajoutait une difficulté non négligeable liée au séjour. Pour les étrangers, rester en France demande en parallèle une organisation stricte sur le plan administratif.

Je me souviens en particulier de cette transition entre les deux mondes, celui des études et celui de la vie active où une autorisation provisoire de séjour était nécessaire. Elle était valable six mois renouvelable une fois, sous réserve d’expulsion si je ne justifiais pas qu’en tant qu’étrangère mon profil était le plus méritant. Jusqu’au bout, c’était le suspense ! Je me souviens que cette année-là, mon titre expirait fin septembre et que le 11 encore tout le monde attendait le verdict.
On a chacun son parcours et on ignore ce que l’autre traverse. Nos chemins croisent parfois des gens souriants mais dont on ignore complètement les combats au quotidien. Il y a des choses qui marquent et des épisodes toujours plus inconfortables que d’autres mais je crois qu’échanger, avoir de l’empathie, partager sont des pas sûrs vers la connaissance de l’autre dans toute sa différence. J’ai toujours apprécié la France pour ses valeurs, pour ce qu’elle avait à offrir. La France sait reconnaître ses talents et ça c’est beau !

Ce qui m’a le plus étonnée à mon arrivée en France ? En Maths Sup, lors de ma toute première semaine de cours, je me souviens d’un élève qui a levé la main et a dit au prof “Monsieur, je ne suis pas d’accord avec vous !”.
Les secondes qui ont suivi m’ont paru très longues. Le prof s’est ensuite retourné vers lui et a dit “Très bien Lucas, à partir de quelle étape de la démonstration, vous n’êtes plus d’accord ?”. C’était un grand moment d’échange entre un prof “détenteur du savoir” et un élève qui démarrait seulement ses études supérieures. Quinze ans plus tard, je m’en souviens et j’en parle avec la même intensité…

Trois mots pour définir le mot Étranger : liberté, richesse, profondeur.”

SOUKAINA CHAPI
33 ANS, PAYS D’ORIGINE : MAROC
HEAD OF SUPPORT, CUSTOMER CARE CHEZ MEETIC
ARRIVÉE EN FRANCE EN 2006.